Faire la paix en temps de guerre demande la participation d’au moins deux personnes ou deux partis…
Le 21 août 1944, Tournai-sur-Dives concentrait les fuyards. Le village était un point de passage obligé pour toutes les troupes. Les plus durs n’avaient pas attendu l’écrasement pour s’échapper. Ils roulaient vers la Seine via Le Sap, Vimoutiers ou Gacé, depuis le 15 août. Une date catastrophique pour Hitler. Il le déclarera.
Le Major Baumann
A cause du débarquement allié en Provence ce même jour, à cause du repli après la contre-attaque perdue sur Mortain, tous allaient vers la rive droite de la Seine : Rouen, Elbeuf, Poses. 100 000 durs, SS puis Whermacht, étaient sortis de la future poche chamboisienne. Autant restaient à l’arrière, et parmi eux, des Européens.
Une quarantaine de Nations glanées sur les routes depuis la Russie et souvent rattachées aux intendances. Sans armes pour beaucoup, par méfiance. L’Etat-Major SS de Hausser avait fui en totalité en les abandonnant en pleine nuit du 19 au 20 août. Il suivait une route Bailleul (La Londe) – Le Sap, en passant par Tournay-sur-Dives, le mont Ormel. Se sentant abandonnés, moral au plus bas, peur au ventre sous les obus tirés des sommets alentour, les survivants se rendirent quand ils le purent. Le plan d’évasion établi à La Londe réussit sous le nez des Alliés.
Nous avons retrouvé [membres de l'association Miroir des âmes] la maison des décisions que les protagonistes quittèrent à 22H le 19 août. Des Tournayens courageux, monsieur Davenne et l’abbé Doffagnes, tentèrent sans succès de joindre les Alliés au prix de risques énormes, au milieu des explosifs venus de tous les cotés.
Ne les voyant pas revenir, l’abbé Launay prit le relais et réussit. Son interlocuteur, le Major Baumann, joua un rôle essentiel dans cette réussite. Il fournit le blindé déjà perforé porteur de drapeaux à croix rouge à gauche du chauffeur, blanc à droite. Ce dernier souvent agité courageusement par un soldat allemand, buste en dehors du blindage malgré les obus qui l’entouraient. L’abbé Launay l’admirera jusqu’à sa mort. Leur rencontre avec les Américains eut lieu à Fel.
Le traducteur de la 2ème DB française (que l’association Miroir des âmes recherche toujours) était monté dans le blindé en quittant Tournai, avec l’accord du Major. Ce soldat allemand a mérité sa part de paix. Les Alliés canonnaient Tournai sans arrêt depuis le 19 août et s’apprêtaient à l’écraser sous les bombes en fin de journée. Un village de 300 habitants qui en comportait 700 avec les réfugiés venus de Caen, Falaise, Argentan…
Nous avons recherché le docteur Baumann pour connaître ses souvenirs. Ce n’est qu’en 2010 que nous avons retrouvé sa famille, lui étant mort. Grâce à une amie journaliste allemande, Suzanne Hefter, un contact fut établi avec madame Baumann et sa fille âgées respectivement de 93 ans et 63 ans.
Madame Baumann, grabataire, promit de retrouver les documents en sa possession. Son silence prolongé incita Suzanne à renouer le contact. Celui-ci devenant impossible, elle finit par apprendre du voisinage que la fille était tombée début juillet dans l’escalier de la maison où elle soignait sa mère. Elle se tua. La mère ne pouvant l’aider en raison de son impotence majeure attendit la mort par inanition.
Le Major Baumann a du suivre les prisonniers vers l’Angleterre en 1944 le soir du 21 août 1944. Compte tenu de l’âge de sa fille, 63 ans en 2010, tout laisse supposer qu’il rentra en Allemagne en 1947, comme la plupart des prisonniers.
Association Miroir des âmes : lemiroirdesames.com